Interview de Mme Khady Fall Tall – Présidente de l’Association des Femmes de d’Afrique de l’Ouest

Aujourd’hui 811 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde. Ce chiffre est en constante augmentation depuis 5 ans. Mais la faim n’est pas une fatalité ! Pour Action contre la Faim des mesures de prévention des crises alimentaires doivent être prises d’urgence pour endiguer la hausse du nombre de personnes souffrant de la faim et l’agroécologie ainsi que des systèmes alimentaires locaux et pérennes doivent être privilégiés. Pour cela, nous travaillons régulièrement avec des organisations de la société civile.

Entretien aujourd’hui avec Mme Khady Fall Tall, présidente régionale de l'Association des femmes d'Afrique de l'Ouest (AFAO). Elle coordonne également un certain nombre de projets régionaux dans les domaines de l'agriculture et de l'autonomisation des femmes en collaboration avec les partenaires du développement.

Pouvez-vous nous présenter rapidement AFAO ?
L’Association des Femmes de l’Afrique de l’Ouest (AFAO) est une Organisation régionale de femmes créée en 2005 et qui intervient dans quinze pays d’Afrique de l’Ouest. Dans la région on estime que 29 Millions de personnes ont besoin d’une assistance alimentaire d’urgence pour garantir un accès à l’alimentation, sans quoi elles seront obligées d’adopter des stratégies qui ne permettent pas le renouvellement de leur mode de vie et de leurs moyens d’existence. AFAO axe ses actions essentiellement sur l’agriculture et le renforcement de capacités des femmes en techniques de transformation des produits agricoles. Nous apportons ainsi une contribution significative à relever certains défis relatifs à la faim et à la malnutrition en valorisant les produits agricoles locaux ainsi que la place des femmes que ce soit dans les pratiques agricoles ou la préparation des repas.  

Au Sénégal, nous avons mise en place à Gorom, dans le département de Rufisque, un Centre d’Incubation et de transformation des produits agro-pastoral bâti sur 3000 m2 et constitué de 2 bâtiments dédiés. Un bâtiment de 400m2 qui sert de site à la transformation des filières de formation comprenant la machinerie moderne complète pour le processing des produits finis prêts à la consommation. (Céréales séchées (mil, maïs) ; des fruits et légumes (selon la saison) ; de la pâte d’arachide ; du lait et du fromage, anacarde etc. un deuxième bâtiment de 200 m2 comportant : Une salle de formation en informatique de 60 places pour recevoir les cours thématiques en leadership, genre, informatique et e-learning. Ce projet permet aujourd’hui de former et d’accompagner plus de 75 femmes par trimestre et à ce jour 3300 femmes depuis la création, et de renforcer de manière durable la sécurité alimentaire de la région

Comment s’est faite la rencontre avec Action contre la Faim ?
Tout d’abord sur un constat commun. Les femmes produisent jusqu’à 80% des denrées alimentaires destinées à la consommation des ménages et à la vente sur les marchés locaux. Elles nourrissent leurs familles et leurs communautés tout en renforçant l’économie des pays de la région. Mais malgré ces contributions essentielles le rôle des femmes dans la production agricole et l’élevage est encore sous-estimée et elles sont encore trop souvent marginalement représentée dans les bénéficiaires de projets ou dans les fora de discussions sur l’avenir de l’agriculture et de l’alimentation dans la région.

Et deuxièmement sur une envie commune. Avoir un impact significatif au niveau régional et que nous puissions ancrer localement et durablement les actions visant à lutter contre la faim dans la région. A ce titre la collaboration entre Action contre la Faim et AFAO trouve tout son sens car elle nous permet de renforcer notre action sur le terrain et notre plaidoyer et pour Action contre la Faim d’avoir une action répondant au plus près au problématique local et d’inscrire cela dans la durée au travers d’acteurs locaux. 

Pouvez-vous nous donner un exemple de projet mise en place conjointement ?
La signature d'un protocole d'accord entre nos organisations était l'étape la plus importante pour sceller notre partenariat. Nous sommes ensuite passés à l'élaboration d'un plan d'action concret et réaliste prenant en considération la crise sanitaire actuelle de la Covid-19. Nous avons même réorienté certaines activités, ou tout simplement annulé d'autres. Les principales activités réalisées en commun jusqu'à présent sont : la publication d’une Tribune ACF/AFAO pour la JMF sur l’exacerbation de la faim en période Covid dans la région ; la participation et contribution de l’AFAO à la consultation régionale sur les systèmes alimentaires pour une alimentation saine, nutritive et abordable organisée par Action contre la Faim, le message que j’ai personnellement adressé  aux dirigeants lors du dernier Forum Genre Egalité de Paris à travers Action contre la Faim, et plus récemment la co-organisation de l’atelier régional de renforcement croisé des capacités des staffs et partenaires de nos deux organisations sur l’approche agroécologique. Cet atelier a permis d’améliorer les connaissances et partager les expériences entre les collègues et différents partenaires du projet Confluences pour porter le plaidoyer en faveur de l’agroécologie dans la région.